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Histoire d’une énigme à géométrie variable
Znorko, interprété par Emmanuel Bédard, et Larsen, personnifié par Vincent Champoux.
Abel Znorko, prix Nobel de littérature, déteste «cette mode qui consiste à être sympathique». Il vit en ermite au nord du Cercle arctique, sur une île qu’il n’a pas quittée depuis des années. Larsen, journaliste dans une petite bourgade norvégienne située 300 km au sud, débarque chez ce mystérieux personnage pour une entrevue. L’écrivain est sauvage et son interlocuteur plein de candeur. Enfin, c’est ce qu’on croit au départ. Au-delà de l’intrigue qui tient le public en haleine du début à la fin, Variations énigmatiques est un texte sublimement rendu, donnant droit à un jeu tout en nuances d’une désarmante efficacité.
Durant plus d’une heure trente sans la moindre pause, les spectateurs réunis à l’auditorium Montignac le soir du 22 février ont eu droit à une intense envolée verbale tirée de l’œuvre d’Éric-Emmanuel Schmitt, mise en scène par Hugues Frenette. Une pièce de théâtre où chaque détail sert l’intrigue.
Imbu de lui-même, Znorko s’amusera ferme aux dépens du timide journaliste. Le fond est dramatique mais l’ensemble drôlesque. Emmanuel Bédard y va à fond dans l’arrogance et la suffisance qui caractérisent l’auteur de renom, sa voix grave intensifiant le côté taciturne de son personnage. Un genre totalement opposé au journaliste de province qu’incarne Vincent Champoux… croit-on.
Dans ce chassé-croisé de monologues, Larsen cherche à comprendre d’où lui vient, ou plutôt de «qui» lui vient, l’inspiration du dernier roman de Znorko. Mais plutôt que de répondre aux questions, ce dernier remet sans relâche la médiocrité de son interlocuteur sur le tapis. Puis l’histoire se corse, au point où le grand Abel Znorko laissera tomber son masque d’assurance et où on constatera que la bonhommie de Larsen n’est qu’apparente.
Sur les planches, les personnages se transforment sous les yeux des spectateurs. La vulnérabilité de Znorko se dévoile peu à peu; les correspondances de son roman sont en fait celles d’une femme, devenue, apprendra-t-il, l’épouse de Larsen. Une femme qui est morte, voilà 10 ans… mais dont la correspondance s’est poursuivie… sous la plume de Larsen… qui n’est pas (on s’en doute désormais) du tout journaliste. Ouf! À travers la richesse du texte, les comédiens réussissent à transmettre les non-dits de façon palpable, l’émotion rendue étant si dense qu’on aurait pu la trancher au couteau. Prodigieux!
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