Oscar Brochu

Vous connaissez Pépin?

Vous connaissez Pépin? - Rémi Tremblay : Actualités
Patrick Pépin
Vous connaissez Pépin? - Rémi Tremblay : Actualités
Même la table de travail qui sert au rangement des pots de peinture vaut son pesant d’or dans l’atelier Le Salop’Art!

À vélo ou au volant de sa Mercedes, il franchit en quelques minutes le trajet de son condo sur la rivière Saint-Charles à son atelier sur St-Vallier Est, puis, par d’étroites ruelles, direction la Galerie d’art Beauchamp sur Sault-au-Matelot, dans le Vieux-Québec où ses toiles tapissent quelques murs. Le petit gars de la rue Papineau a longtemps roulé sa bosse dans une trentaine de pays du globe avant de trouver son style, sa signature, «le» sens à sa vie. Portrait d’un peintre méganticois autodidacte qui vit bien de son art.

L’histoire commence par une simple question de l’un de ses amis d’enfance: «Qui est l’artiste connu à l’international, dans les collections privées, les galeries et les musées plus que dans son propre patelin?» La réponse imposait une visite dans l’univers abstrait de Patrick Pépin.

L’homme dans la jeune quarantaine garde les deux pieds sur terre, malgré une vie pour le moins trépidante. «Je suis parti de Lac-Mégantic j’avais 18 ans. J’ai commencé sur l’aide sociale, mais pas longtemps, avoue-t-il. J’ai fait des jobines, je me suis inscrit à des cours de peintre en bâtiment, j’ai travaillé six mois par année pour voyager le reste du temps!»

Surtout pas la vie de jet set! «Je ne voulais même pas de chômage. Je pilais l’été et je dépensais l’hiver dans les pays où l’argent local ne vaut rien. Pour 100$ canadien au Vietnam, tu reçois 1,4 million de dongs en petites coupures!» En 20 ans, son passeport a été estampillé dans de nombreux pays d’Asie, d’Europe, d’Afrique et d’Amérique. Sur des îles perdues d’Indonésie jusque dans les centres-villes de Bangkok, Mumbai, Le Caire et Saigon, un bon millier de chambres d’hôtels de toutes catégories. La rage de vivre! «Mes premières toiles, je les échangeais pour une pizza! Je ne croyais même pas qu’on pouvait vivre de son art jusqu’au jour où j’ai vu, en Inde, un gars qui vendait ses toiles dans la rue aux touristes. J’y suis retourné quelques années plus tard et le même homme vivait dans son propre atelier, tout vitré. Il avait «full» prospéré.»

À force de voir des gens heureux, à faire uniquement ce qu’ils aimaient, les exemples observés de par le vaste monde l’ont inspiré à essayer ce mode de vie. Il en avait assez de vivre dans les valises. Sa décision était prise, «je vais prendre ma pré-retraite !» Trois jours par semaine à bosser comme peintre en bâtiment «pour payer le loyer», le reste du temps consacré à créer ses tableaux.

L’artiste professionnel en lui est né quelque part en 2009 au moment où le nom de «Pépin», est entré dans une galerie. Un modèle l’a inspiré? «Non, pas vraiment. Je suis un autodidacte à 100%. J’avais visité un paquet d’ateliers et de musées. Ma passion, c’était de m’asseoir durant des heures dans une bibliothèque, au rayon des arts.» Dans ces locaux silencieux, il a fait la rencontre de grands maîtres, de Renoir à Basquiat, un pionnier de la mouvance underground. «J’aimais ça m’asseoir avec des piles de livres.»

Beauchamp, ce sont 12 galeries à travers le Canada et un carnet de contacts de 22 000 clients jusqu’en Europe. Son contrat d’exclusivité lui a ouvert les portes d’un nouveau monde. Celui de la beauté dans la démesure. «Ma plus grosse toile? J’en ai fait une de 35 pieds par 6 au Costa Rica, que j’ai ramené ici roulée sous le bras. Je me louais des ateliers dans différentes places du monde. Je voulais faire comme un rêve d’artiste de peindre à plusieurs places.» Durant son passage d’un mois à Barcelone, il a «full tripé» sur Gaudi, l’architecte des bancs du Parc Guell. «J’ai pogné de quoi!» Le genre de voyage initiatique qui l’a poussé à développer la thématique des Cartes à jouer, une série d’où est tirée sa première œuvre entrée par la grande porte au Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul. Le Musée en a fait l’acquisition pour sa collection privée, un Pépin précieusement rangé dans une voûte en plutôt bonne compagnie. «Des Pellan, un Séguin, un Pépin, du Riopelle. Je ne me sens pas de cette trempe-là, dit-il, avec toute modestie. Plutôt comme un petit groupe local qui jouerait sur le même stage que Metallica.»

Pépin, le peintre de l’abstrait, a commencé avec des moyens plus que modestes, en louant pour à peine 100$ par mois son premier espace dans un coin de sous-sol d’un vieil immeuble sur St-Joseph, pas de lumière, un genre de cimetière de vieux drums, des dégâts d’eau sur le plancher, avec l’accès privilégié à un entrepôt de peinture recyclé d’un Rona. «J’ai peint mes premières œuvres avec de la peinture à char, de la peinture à galerie, des fonds de n’importe quoi ; j’ai fait ça pour expérimenter.» Le portefeuille étant limité, jamais il n’aurait pu, à l’époque, s’offrir un petit pot d’acrylique top qualité à 400$ pour à peine quelques millilitres, histoire de faire des tests. Après un passage sur St-Paul, dans un local de 2500 pieds carrés, «avec 50 pieds de fenêtre sur la rue», il a enfin abouti dans son atelier baptisé Le Salop’art, un immeuble payé cash parce qu’il en a aujourd’hui les moyens. Le contraste est frappant entre sa vie d’hier et celle d’aujourd’hui. De la peinture partout, celle de ses toiles en développement accotées le long d’un mur, celle séchée sur le plancher et encore sur sa table de rangement de son matériel multicolore. «Quelqu’un a payé 6 000$ pour avoir la première, une simple porte. Et celle-ci, elle est déjà réservée!»

S’il reconnaît que sa vie aisée ne reflète pas la réalité de tous les artistes, il apporte ce bémol : «Ça prend énormément d’argent pour vendre de l’art. Alain Lacoursière (le Columbo de l’art) dit qu’il y a deux choses qui fixent le prix des œuvres, celui qui le vend et celui qui l’achète. À partir du moment où des collectionneurs et des musées achètent tes œuvres, ça devient vraiment intéressant.»

Le jour de la rencontre, l’artiste a livré la totale: la préparation du support de ses toiles sur bois de merisier de Russie et le laquage du produit fini, donnés en sous-traitance à l’usine chez M.D. Bois, l’atelier de travail où les espaces vides se font rares et la finalement la galerie, où les conseillers en art l’accueillent dans la détente.

Si ses œuvres font désormais partie de collections privées et publiques à New York, en Californie, à Toronto et Montréal, il n’en prépare pas moins avec grand soin le matériel qu’il amènera au Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul, du 23 novembre 2019 à juin 2020.

Pourquoi avoir invité Pépin? «Le comité de sélection ne dévoile pas la teneur de ses délibérations, mais disons que parmi les propositions étudiées, celle de M. Pépin s’est démarquée pour la qualité artistique de son travail», signale Martin Ouellet, du service des communications du Musée.
Des œuvres déjà emballées sont en attente d’expédition dans l’atelier du Salop’Art, dont une toile sur la tragédie de Lac-Mégantic, dans laquelle il a perdu son neveu, Éric. Une autre toile faisant une vingtaine de pieds de longueur par 16 pieds, devra être transportée en pièces détachées. Ce casse-tête de logistique est tout à fait dans ses cordes.

L’œuvre de Pépin se contemple tel un jeu de codes pour célébrer la vie, il se décompose en de multicolores pixels comme ces feux d’artifices lancés dans le ciel et qui ne laisseraient aucun espace vide de sens, peu importe la mesure ou la démesure du tableau. Une fois le regard posé, l’art de Pépin révèle la profondeur de la démarche de l’artiste et les centaines d’heures consacrées à en fixer les moindres détails.

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