Oscar Brochu

Élus, allez refaire vos devoirs!

Le bureau de Danielle est devenu un lieu de recueillement, ici dans le sous-sol de l’Écho. Pas comme le lobby d’un centre funéraire mais plutôt une salle de musée où tu peux jeter un coup d’œil curieux sur l’histoire en photos. Un seul sujet, le centre-ville de Lac-Mégantic depuis la nuit des temps. Bon, disons plus de 125 ans, ce qui est déjà beaucoup. En tout, 21 photos regroupées dans cinq cadres. Toutes en noir et blanc! La rue Frontenac sous des angles différents, à des époques différentes. Aucune photo moderne avec de la couleur dessus. Que du patrimoine, mais avec beaucoup de vie dedans!

Ils n’étaient pas riches, les Méganticois d’il y a cent ans, mais les voir arpenter la rue Frontenac sur les trottoirs de bois, à peine dérangés par le passage des calèches, donne à penser que vos ancêtres se sentaient heureux de se promener là, dans ce lieu public qui leur appartenait. Ils étaient chez eux! Et comme ces grands rassemblements populaires s’improvisaient le dimanche, j’imagine que chacun revêtait ses plus beaux habits. Les femmes avec leur grande robe ramasse-poussière, les hommes en habits et collet qui t’étrangle le cou et les enfants priés de se tenir tranquilles pour ne pas abîmer leur beau linge appelé à durer encore longtemps et à servir au plus jeune quand le vêtement sera devenu trop petit.

C’«était» ça un centre-ville habité. Aujourd’hui, quand ton regard se pose sur des scènes comme celles-là, t’as juste l’impression d’apercevoir des fantômes bien en chair qui hantent un espace public abandonné. Et t’as beau ne pas être un «local», de venir d’ailleurs, tu peux pas rester insensible.

Alors oui, je le crois, nos élus ont senti un pincement au cœur quand ils ont annoncé leur décision de tout raser! Au cas où! Une condamnation à mort sans possibilité d’appel!

Je ne serai pas là le jour où, paraît-il, les gens qui le souhaitent «marcheront en autobus» une dernière fois les rues du centre-ville avant le passage de la grande faucheuse! Je ne veux pas voir ça par une fenêtre, avec les yeux d’un touriste qui fait ses adieux à un décor voué à disparaître.

Surtout que la solution «finale» n’était pas la «seule» solution! L’argumentaire économique, celui des prêteurs et des assureurs, a gagné sur l’autre, celui des survivants qui croient encore que la coupe à blanc des bâtiments encore debout, y compris le secteur patrimonial qui reste, pourrait être évitée sans qu’il en coûte beaucoup plus cher que les 40 à 60 millions investis dans cette opération.

Les plus anciennes photos d’archives montrent ce prestigieux hôtel qu’est aujourd’hui l’Eau Berge, au coin des boulevards des Vétérans et Stearns. Et son proche voisin, le local des Chevaliers de Colomb qui n’est pas une structure à couper le souffle mais qui a servi depuis des décennies et qui pourrait encore très bien «faire la job». Difficile de croire que ce terrain-là est trop contaminé ou que le risque de contamination dans le futur est tel qu’il faille le démolir.

Il faudrait croire sur parole les fonctionnaires du ministère de l’Environnement et ne surtout jamais réclamer les rapports d’analyse et les évaluations du risque de contamination future. Une profession de foi à l’aveugle!

En supposant que certains bâtiments patrimoniaux encore debout puissent être sauvés de la destruction volontaire, il ne fait aucun doute que les démarches inhérentes au financement et aux assurances vont causer des problèmes de taille. Et il ne fait aucun doute que prêteurs et assureurs ne favorisent pas ce genre de scénario trop compliqué! La Ville a rayé les valeurs du rôle d’évaluation de tous ces bâtiments, ceux qui sont partis déjà et les autres qu’on veut «déconstruire» ! Non, il faudrait tourner les coins ronds, modifier la paperasse, rédiger des nouveaux critères à faire approuver par des analystes, des fiscalistes, des armées de notaires et d’avocats, le gros «chiard» quoi! Que du trouble, je vous dis pas comment! À côté de ça, démolir une église pour en faire un Metro, c’est de la p’tite bière!

J’ai beau regarder les photos de ce qui reste du «vieux» centre-ville, les comparer au «nouveau» centre-ville, je ne comprends toujours pas cet engouement à vouloir raser les dernières traces de l’identitaire des Méganticois pour créer un décor sans âme qui coûte la peau des fesses, sans le charme!

J’ai beau croire à l’honnêteté des gens qui ont entre leurs mains le pouvoir économique et politique, il y a cette petite lumière jaune constamment allumée dans mon cerveau, qui me dit: danger! Y’a plus personne pour faire le guet! Les décisions se prennent en catimini, à l’abri d’une forteresse. Y’a des gens, pris dans le tourbillon de l’après-tragédie, qui s’enfoncent dans l’endettement et qui seront de plus en plus à la merci des banquiers. Et il y a des décideurs qui ne veulent pas trop voir les analyses de sol, pour ne pas se retrouver avec une patate chaude. Et si les élus retournaient à leurs devoirs pour analyser la situation avec les yeux de la population plutôt que ceux des banquiers ?

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