Chèques et échec!

Depuis des semaines, les facteurs marchent la mine basse. Noël approche, mais toujours pas de réponse encourageante à livrer à ceux qui, le long de leur route de distribution du courrier, leur lancent un peu à la blague: «Pis, mon chèque?» Un lourd fardeau qu’ils portent sur leurs épaules. Plus lourd que leur sac. L’espoir de plus ou moins toute une population dont ils aimeraient bien être soulagés! Voyez-vous, le Recours collectif auquel s’accrochent plus de 3 000 personnes ici «doit» faire tomber sur nous une manne de plusieurs millions de dollars. Et c’est pas rien! Grosso modo, quelque 48 millions $ uniquement pour les dommages moraux et préjudices subis. Beaucoup plus pour les familles des victimes qui, elles, méritent chaque sou des indemnisations à venir au terme du plan d’arrangement avec les créanciers de la MMA intervenu en cours d’année devant les tribunaux, tant canadiens qu’américains. Sinon la totalité des montants négociés, du moins une partie d’entre eux devrait être mise à la poste avant les fêtes! Les coffres des caisses Desjardins et de la Banque Nationale sont grand ouverts, attendant l’afflux de cette clientèle des «nouveaux riches».

Ça tomberait bien, ces cadeaux venus du ciel. Les commerces ont beau avoir sorti les décorations et entonné les airs de Noël, l’ambiance n’est pas encore tout à fait au rendez-vous. L’absence de neige n’aide pas, vous direz. Même que le traîneau du Père Noël fait des flammèches sur l’asphalte. Mais ce qui empêche l’esprit de Noël de descendre sur nous et d’y demeurer jusqu’en janvier, c’est surtout ce climat économique morose de l’après-tragédie qui nous colle encore à la peau et que l’on doit aussi en grande partie à l’intransigeance et à l’austérité du gouvernement Couillard. La grogne des employés du secteur public est un profond signal que le petit Jésus aura un méchant miracle à réaliser pour recréer la magie des fêtes dans nos humbles foyers.

Le Recours collectif, ça ne changera pas le monde, sauf que… il y aura de l’argent «neuf» en circulation! Et toutes les familles, tous les commerces, ces temps-ci, en ont bien besoin. Il faut que l’économie se remette à rouler au plus vite, sinon les affiches annonçant «fermé» vont se multiplier.
Je sais, j’entends la mise en garde: «Un peu d’optimisme, s’il-vous-plaît!» Mais voilà, à force d’étirer l’attente, on devient plus attentifs aux mauvais signaux qu’aux bons.

Parmi les bons, le taux de change qui est favorable non seulement aux exportations manufacturières des entreprises de chez nous, et donc à tous leurs travailleurs dans nos usines, mais aussi aux millions $ offerts en argent US par les compagnies américaines qui garnissent le coffre au trésor du Recours collectif. Difficile d’obtenir des réponses claires du syndic au dossier, mais, sans être un Gérald Fillion (clin d’œil) on peut deviner que la dégringolade du huard a pour conséquence «prévisible» d’ajouter des millions de plus à la cagnotte à distribuer. Même l’état des finances publiques s’en portera mieux quand le gouvernement du Québec encaissera le montant qui lui revient pour éponger les 148 millions de dollars qu’il avait déjà inscrits dans la colonne des déficits, uniquement pour le dossier encore chaud de Lac-Mégantic. On sentait sur nos épaules ce poids d’être collectivement responsables d’un grand trou dans les finances de l’État, comme si on était tous fautifs dans cette catastrophe qui a creusé un trou presque sans fond dans le budget de la province.

Parmi les moins bons signaux, les délais souvent reportés, même après que le CP ait retiré sa menace de nuire au règlement intervenu au sujet du Recours collectif. Argent annoncé pour l’été, pour l’automne, peut-être avant la fin de l’année !

Noël n’est pas non plus la préoccupation première pour les travailleurs qui oeuvrent en santé. Pendant que les administrateurs du CIUSSS de l’Estrie se disent confiants de pouvoir atteindre leurs «cibles d’optimisation» avec la diminution de postes de cadres dans les directions administratives et techniques, soit une centaine de postes de gestionnaires abolis, à Lac-Mégantic on soulève le spectre des temps difficiles pour de nombreuses familles touchées par ces compressions qui ont suivi le regroupement à Sherbrooke de tous les centres de santé de l’Estrie. Un impact négatif majeur et direct sur la vitalité de l’activité économique d’une région, mais surtout d’une population toujours en rétablissement.

L’argent ne fait pas le bonheur. Il ne ramènera pas les morts. Il ne soulagera pas le deuil. Mais l’appauvrissement de la collectivité non plus! D’où l’urgence d’injecter dans l’économie ces millions qui dorment on ne sait où et qui enrichissent pour l’instant on ne sait qui!

Victimes d’une chute du prix du baril de pétrole, les grandes pétrolières sont peut-être moins enclines à signer le chèque et à honorer leur engagement. Ces millions qu’elles ont promis, elles en ont grand besoin elles aussi. Mais, désolé, nous ne compatirons pas à leur malheur!