Méchante langue!

L’histoire se passe en 1901. La dame anglaise d’Angleterre qui voyage beaucoup, sans doute parce qu’elle vient d’une noble famille, s’aventure au Canada, elle qui a vogué de l’Australie jusqu’aux côtes américaines. Dans les «Letters from Canada» qu’elle écrit régulièrement à sa mère et qui doivent sûrement prendre du retard parce que le courrier prend la mer et met du temps à arriver à son destinataire, grève des Postes ou pas, Ella Brewin raconte dans le menu détail, jour après jour, ses folles aventures.

Un jour lui vient l’idée de remonter le Saint-Laurent avec la femme du premier ministre du Nouveau-Brunswick, un certain Blair, pour un séjour à Pointe-au-Pic. Le contact avec l’habitant canadien-français est un choc. Elle ne comprend rien de ce que ces paysans baragouinent, même quand, dans les commerces, les commis s’efforcent de parler anglais. Rien comme dans niet! Traduction libre d’un extrait de la correspondance: «Mrs Blair se fait servir tous ses repas dans sa chambre, le thé, l’eau chaude, les lampes à l’huile, tout cela par la servante française, qui parle un français de l’habitant qu’il est très difficile de comprendre, malgré mes études de français (en France). Personne ici, à part les touristes ne peut parler un anglais correct. Il y a quelques jours, une dame m’a offert des «pommes de terre» et je ne savais quoi lui répondre. Quand j’ai vu un employé qui en transportait, je lui ai demandé ce que c’était. Il m’a répondu des «potates» ; ça vous montre bien quel genre de Français ils parlent. La servante a crié «Mache, Mache», quand un chien est entré dans ma chambre, changeant le «à» français en «a» anglais.» Ella Brewin retiendra de son court séjour en hôtel sur la côte touristique charlevoisienne deux expressions: la «calèche», ce véhicule pas très confortable à son goût qui servait de taxi dans le temps et qui n’a pas son pendant anglais, et le «je vous aime» qu’un petit habitant lui souffle à l’oreille! Trop cute!

On sent dans le récit de cette Lady, ce choc de classe sociale qui va au-delà de la barrière de langue. À l’époque, rappelez-vous, près d’un million de québécois, sur une période d’une cinquantaine d’années, vont fuir la misère noire en route vers les States pour améliorer leur sort. Vous avez sûrement un cousin, un frère, une tante aux États. Ça a commencé là. Et parmi eux, bien des paysans qui ont déserté une terre de roches en espérant des jours meilleurs. Un choc pour eux aussi que d’arriver là-bas et d’être traités presque comme des pestiférés, retraités dans leurs villages de fortune appelés les «Petit-Canada». Donald Trump n’existait pas, mais l’immigration, si.

Depuis un siècle, le Québec lutte fort pour redonner un lustre à sa langue maternelle. Nous y sommes parvenus. Pas de manière égale partout, mais presque. C’est peut-être notre plus grande victoire comme peuple, comme nation reconnue à l’intérieur d’un Canada officiellement bilingue.

Aujourd’hui, des Québécois voyagent à leur tour comme le faisait Ella Brewin, au début du siècle dernier. Prenez notre compatriote méganticois Daniel, qui parle japonais quand il séjourne au Japon, anglais quand il séjourne au Canada et français quand il revient à la maison. Parlons des frères Labbé qui collectionnent les langues comme d’autres les cartes de hockey, parce que la planète leur est devenue si familière.

Faque, quand Doug Ford a mis la main jusqu’au bras dans l’engrenage en annonçant des coupures dans les services en français en Ontario, il ne se doutait pas à quel point les temps avaient changé. L’homme fort de la province voisine n’avait jamais pensé que la langue française pouvait être plus «politiquement sensible» que le mandarin. Doug Ford est un personnage d’un autre siècle. Un genre de «Lord» Anglais.

J’aime bien la résistance québécoise à ce genre d’ignorance du fait français à travers le Canada. J’aime bien la levée de boucliers des municipalités et des MRC du Québec qui, par la voix de la Fédération québécoise des municipalités viennent d’adresser un message clair de solidarité envers les Franco-Ontariens. «Pouvoir vivre dans sa langue au sein de sa propre communauté est essentiel pour maintenir sa vitalité, son essor.»

L’Union des Municipalités du Québec a aussi pris position. «Les droits linguistiques des francophones au Canada doivent être connus pleinement et protégés. Nous dénonçons haut et fort les décisions et positions politiques qui briment ces droits. Ces gestes sont inacceptables dans un pays officiellement bilingue et reconnu à travers le monde pour sa dualité linguistique.»

Je reviens à Ella. À son contact avec l’habitant canadien-français: «Dans ce pays, les commis (dont elle ne comprend aucun traitre mot) doivent rire quand ils retournent à la maison, ils ont au moins la politesse de ne jamais sourire avant que j’ai commencé.»
Alors Doug, c’est qui l’habitant, hein? C’est qui?

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